Internet : de la perte de temps aux idées imposées

Je vais démarrer une série de billets sur le monde qui change, sans doute une prise de conscience un peu personnelle mais qui touche plusieurs aspects de mon quotidien faisant apparaître de nouvelles perspectives, parfois un peu effrayantes, parfois très enthousiasmantes mais qui me laissent aussi souvent perplexe.
Ce billet traitera de l’accès et du rapport que nous entretenons avec le réseau des réseaux.

Le fait de ne plus être aussi has been qu’avant depuis que j’ai acquis un ordiphone m’a fait prendre conscience de certaines choses.

Lorsque je ne consultais mes informations électroniques que sur l’ordinateur (mail, flux rss, échanges de propos, commentaires, téléchargements, vidéos, ...), je le faisais généralement après avoir terminé mon travail et à un moment consacré à cela parce que sinon je savais que pour une petite chose initiale, j’allais finalement y passer plusieurs heures en passant d’une chose à l’autre.

La possibilité d’avoir accès à tout cela d’un appareil tactile que l’on peut emporter où que l’on aille, qui ne nécessite pas de s’installer à son bureau et d’allumer l’ordinateur, change sérieusement le rapport à l’accès à internet ; nous ne sommes plus jamais AFK (Away From the Keyboard, d’ailleurs on n’a même plus besoin de clavier), perpétuellement en mesure de lire les dernières informations que l’on suit ; des plus futiles aux plus profondes, des plus débiles aux plus intellectuelles (chacun suit ce qu’il souhaite).

Dans un premier temps, ce changement semble merveilleux permettant de combler tous les petits moments perdus du quotidiens, plus aucun moment d’attente, on optimise son temps en se disant qu’il y aura moins d’informations à visionner le soir venu. Sauf que cela induit quelques gros inconvénients à mes yeux :

  • les moments perdus en question permettent parfois de réfléchir à des sujets sur lesquels on veut se faire une opinion ou sur lesquels on voudrait écrire par exemple, à prendre certaines décisions, à faire le vide, à se recentrer, à lire (journaux, revues, BD, livres) ...
  • la présence sur internet est totalement exponentielle : plus on lit de choses, plus on en découvre à découvrir, plus on rédige de billets, de commentaires, d’échanges, plus on a de réponses et donc une espèce d’envie permanente de savoir si on n’a rien raté, s’il ne se passe pas quelque chose d’important ou si on n’a pas eu une réponse.
  • on se coupe de plus en plus de ce qui nous entoure et peut-être nous ennuie un peu (une réunion, un repas de famille, une attente quelconque) pour ne plus être présent à ce qui se passe autour de nous et rester blotti dans le cocon numérique que l’on se crée. On a alors moins l’impression de perdre son temps alors qu’on le perd de plus en plus, le summum étant les amis qui se retrouvent au café en étant tous rivés sur leurs écrans voire à communiquer par messages plutôt que par la parole.
  • on devient très facilement accroc à ce mode de fonctionnement et on en est rapidement à se demander comment cela est possible d’avoir fait autrement, comment il est possible de n’avoir accès à internet que par bribes, à certains moments, voire de ne pas y accéder pendant plus de 24h.

Je ne sais pas s’il y a une conclusion quelconque à ce constat si ce n’est que l’on loupera forcément des choses, que l’on découvrira des tas de trucs drôles, importants ou tragiques mais aussi parfois inutiles, débiles ou inintéressants. Il y aura toujours des combats à mener, des conversations à poursuivre, est-il si important que l’on y accorde tant de temps sans forcément faire changer grand chose ?

Il faut savoir faire des choix pour ne garder que les informations que l’on a le temps de suivre pendant le temps que l’on souhaite y consacrer et éliminer les choses qui nous intéressent le moins. Laisser passer certains sujets, ne plus suivre certaines personnes, éviter certaines discussions (même et surtout si le sujet nous tient particulièrement à cœur car cela va faire des échanges enflammés à n’en plus finir avec chacun qui campe sur ses positions).

Cela concerne plus particulièrement les réseaux sociaux, comme je le disais précédemment sur la découverte de Diaspora*, j’ai l’impression de me retrouver dans l’effervescence de ma découverte d’internet il y a quinze ans avec des échanges à n’en plus finir (par mails, irc, ou forums) sur les moyens de changer le monde. Cela m’est passé. Les grands changements sur ma façon de vivre ont été faits depuis sans passer par l’échange virtuel mais bien plus par des lectures, des réflexions personnelles ou des discussions avec ma compagne.

De ce fait, je me retrouve sur un réseau tel que Diaspora* qui regroupe la plupart des tendances auxquelles je peux adhérer (toutes les alternatives que mon pseudo peut suggérer). Cependant, je les pratique et vis au quotidien sans avoir à m’en soucier ou à vouloir convaincre les autres ; dans la vraie vie (IRL), je fais déjà partie des cercles de convaincus, des gens ayant les mêmes sensibilités. J’assume tous mes choix sans avoir à les imposer à quiconque. Je pense simplement que mon exemple pourra servir à d’autres pour se rendre compte que d’autres façons de faire sont possibles et je suis prêt à les aider s’ils souhaitent emprunter le même chemin. Gandhi disait : "Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde". C’est ce que je tente de faire à la mesure de mes capacités.

Du coup, lorsque je rencontre des propos extrémistes de gens nouvellement convertis (car c’est dans ces moments que l’on pense avoir eu accès à la vérité et que l’on souhaite le faire savoir à tout le monde), je ressens un véritable malaise même vis-à-vis de ceux qui prônent les valeurs que j’approuve, car une vérité ne s’impose pas, elle se découvre et surtout elle n’est pas la même pour tous. Comment peut-on prôner la liberté en disant aux autres que s’ils n’adhèrent pas aux mêmes idées ce sont des monstres inhumains responsables d’une proche fin du monde ? Cela ne ressemble-t-il pas plutôt à une dictature (des idées du moins) ?

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