De quelle intelligence parle-t-on ?

J’ai toujours eu un problème avec le terme d’intelligence artificielle. Enfin, surtout depuis quelques années.
Avant, on parlait d’IA dans les jeux et on s’en accommodait bien, en la critiquant d’ailleurs le plus souvent pour dire qu’elle était un peu trop caricaturale et facile à tromper, dans les jeux de tirs par exemple, ou au contraire pour dire qu’elle était un peu trop difficile à battre ; c’est le cas dans n’importe quel jeu de réflexion ou même de course puisqu’une trajectoire parfaite est beaucoup plus facile à calculer par une machine qui à tous les paramètres sous la main, tandis que nous n’agissons que de façon empirique.

Bref, là n’est pas la question. Elle n’est pas non plus dans le fait qu’une machine ait battu le meilleur joueur de tel ou tel jeu de réflexion comme beaucoup s’en sont émus pour les échecs et plus récemment pour le jeu de Go. Même les premiers ordinateurs étaient capables de me battre et c’est simplement parce que la capacité de calcul et de prédiction des coups suivants sont bien plus grandes que la plupart des humains qui ne pratiquent pas à un haut niveau.

Ce qui m’embête plus, c’est que l’on commence à nous parler d’intelligence à tous les étages, téléphones, voitures, maisons, villes, réseaux, tout deviendrait intelligent, sans compter les algorithmes, résultats de recherche et timelines des fils d’actualité.

Qu’ont-ils de si intelligents ? Ils savent reconnaître des objets, images ou situation et faire des choix qui seraient les bons. Oui mais bon pour quoi ? Mieux nous informer ? Mieux nous protéger ? Mieux nous faire consommer ?

Mais reprenons depuis le début, qu’appelons-nous intelligent et à quoi l’appliquons-nous ? Pour faire bref, en français, il s’agit avant tout d’une faculté de comprendre, contrairement à l’anglais où c’est plus une perception de l’information à partir de renseignements. C’est en comparant les définitions de Wikipédia dans ces deux langues que j’ai pris conscience de cette différence. D’ailleurs, n’oublions pas qu’une intelligence agency est un service de renseignement.

C’est probablement cet aspect qui me titillait : une machine qui reconnaît un chat sur une image n’en fait pas quelque chose d’intelligent dans le sens de la compréhension, seulement dans le sens de la perception de son environnement. Certes, c’est la première étape pour avoir un comportement intelligent puisqu’elle permet de décider de l’action à faire à partir de la situation.

Autre chose liée au langage, on traduit par intelligent tous les smart-machins (phone, grid, city, ...) alors qu’intelligent peut être traduit en anglais par plusieurs mots :

  • smart qui peut vouloir dire intelligent, élégant, sage
  • clever qui signifie astucieux, intelligent, ingénieux
  • intelligent qui veut dire intelligent mais au sens de compréhension de son environnement comme on l’a vu
  • bright qui se traduit par brillant, intelligent

En français, j’ai l’impression qu’on a plutôt tendance à utiliser intelligence au sens de l’anglais clever alors que tous les appareils dits intelligents le sont au sens de smart.

Alors ensuite, on peut parler de la nouvelle tendance de l’apprentissage profond et des réseaux de neurones qui permettent à un système d’apprendre à partir d’exemples et d’évoluer en fonction des situations rencontrées. Ce qui ferait de plus en plus ressembler ces systèmes à de l’intelligence. Je ne suis pas un expert et je ne me suis pas plongé dans les détails de la technique. Ce que j’ai retenu c’est que ces techniques ont permis de grandes avancées mais qu’on reste encore très loin d’une véritable intelligence dont on ne comprend d’ailleurs pas encore vraiment le fonctionnement (en partie basée sur la reconnaissance et l’exemple mais surtout sur une prédiction de l’avenir à court terme, chose dont une machine n’est pas encore capable).

L’intérêt de l’intelligence est en effet de faire les bons choix devant une situation donnée afin d’abord de ne pas mourir puis d’accroître sa qualité de vie (nourriture, confort, etc.) et derrière tout cela des millénaires de sélection naturelle, d’instinct de survie, etc. Chose difficilement compréhensible pour une machine et qui n’intéresse pas forcément les grandes compagnies dont l’instinct est plutôt d’augmenter les profits (tien, ça s’appelle l’intelligence économique, paraît-il).

Bref, tout ça n’est pas encore très clair mais gardons-nous de croire que la technologie nous dépasse et que nous ne pourrions plus nous passer d’elle. Si elle a des capacités de calculs qui peuvent nous aider et qu’elle se trompe moins dès lors qu’elle a tous les facteurs en mains, moi je préfère gérer moi-même la plupart des choses qui m’incombent : mes goûts, mes préférences, mes itinéraires, mon thermostat, etc. n’en déplaise à Google qui n’est intelligent que par les données qu’il possède sur ses utilisateurs.

Haut de page