C'est quoi ce Charlievari dans ma tête ?

Comme vous l’avez peut-être constaté, je n’ai pas été très actifs ces derniers temps me contentant de quelques billets techniques et cela s’explique par deux choses très probablement liées : les évènements tragiques de ce début d’année pour lesquels j’ai préféré ne pas intervenir à chaud comme à mon habitude (parce qu’il me fallait digérer les choses, prendre du recul et savoir moi-même quoi en penser) et parce que bon nombre de mes compagnons de blog ont littéralement déserté la place ou réorienté leur discours vers quelque chose de beaucoup plus sobre. Même les grands animateurs de la blogosphère libriste souvent prompts à déplorer le déclin des blogs se font très discrets après une fin d’année en grande effervescence.

Alors, est-ce la fin tant annoncée après l’apothéose ?

Je ne pense pas mais les esprits ont été marqué, chacun a probablement mis en perspective nos petits combats informatiques avec les enjeux de ceux qui risquent leur vie à défendre la liberté d’expression ; d’ailleurs, la liberté d’expression n’est-elle pas aussi de ne rien dire quand on n’a rien de plus à apporter ? Très probablement.

Pourtant, les sites personnels sont un des meilleurs moyens de faire vivre la liberté d’expression. Ils sont un endroit où l’on peut exprimer simplement ses idées et réflexions sans vouloir les imposer à quiconque. Si cela plaît, vous serez lu, vous aurez peut-être un commentaire et rarement un mail pour dire en trois phrases que ce que vous avez écrit a plu ou aidé quelqu’un d’autre. Alors, vous avez à nouveau le courage d’exprimer ce que vous pensez en espérant que ça raisonne ou que ça résonne dans la tête des lecteurs. C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui lorsque j’ai reçu un mail d’une personne que j’ai citée et qui me remerciait pour mon blog.

Et puis aussi parce que hier, au cours d’une conversation avec un enseignant, il nous a dit qu’il ne comprenait pas bien l’intérêt de défendre des caricaturistes. Il ne comprenait pas ce qu’apportait une caricature à part se moquer des autres. Je lui ai expliqué que le fait d’être choqué était justement le moyen utilisé par le dessinateur pour exagérer la réalité en un dessin afin de prendre conscience de la réalité et de réagir. Je n’ai malheureusement pas pensé à lui dire qu’un pays qui empêche de caricaturer est une dictature.

J’ai personnellement été relativement mal à l’aise avec le slogan "Je suis Charlie" d’abord parce que je n’ai pas l’habitude de suivre la foule en délire et parce que je suis moi avant tout. Pour rassurer les potentiels délateurs qui assimileraient les non-Charlie à des pro-terroristes, je n’étais pas plus d’accord avec sa négation ou avec ses divers détournements. Avant tout, je suis avec Charlie. Et bien sûr pour la liberté d’expression. Pour autant, je n’étais pas lecteur du journal et ne le deviendrai pas pour autant. J’en avais déjà lu et j’ai feuilleté le numéro au tirage exceptionnel, ce qu’ils défendent et critiquent ne m’intéresse pas vraiment, d’ailleurs cela n’intéressait plus grand monde, mais il reste important qu’ils puissent continuer à le faire comme le dit Noam Chomsky.

Aussi, comme vous vous êtes sans doute fait comme moi la réflexion, ce ne sont finalement "qu’une vingtaine" de morts, alors qu’il en meure autant tous les jours sur les routes et bien plus dans le même temps lors de massacres passés sous silence. Sauf que là ce sont des dessinateurs connus donc cela nous touche et surtout, c’est le symbole que l’on puisse tuer les gens pour cela qui nous a fait descendre dans la rue pour exprimer notre soutien. Pour autant, nous n’étions pas dupes que cela serait récupéré et donnait un chèque en blanc pour toute action liberticide et interneticide au nom de la lutte contre le terrorisme.

Heureusement, Là-Bas si j’y suis revient pour nous aider à mettre de l’ordre dans les idées médiatiques et mettre le doigt sur les malaises que l’on ressent. C’est cette information-là dont on a besoin et qui pourtant s’est fait mettre à la porte du service public. Elle nous aide pourtant à comprendre que si on insiste bien sur la religion c’est pour mettre une étiquette sur le mal qui a frappé pour ne surtout pas impliquer le système en place et si possible permettre de restreindre tout ce qui gène, internet en tête.

Pourtant, il n’y aura jamais rien à faire pour empêcher quelqu’un de péter les plombs et de descendre gratuitement des dizaines de personnes. La raison n’est pas idéologique, ni religieuse, ni due aux jeux vidéos pour citer d’autres cas de raisons données à des tueries. La raison est d’abord que ces personnes étaient totalement opprimées par le système, n’y avaient pas trouvé leur place. Accuser une religion ou un pays ne fera qu’empirer la situation ; il n’y a jamais eu autant d’attentats terroristes que depuis que les États-Unis lui ont déclaré la guerre.

Je ne terminerai pas en disant qu’il y a une solution car cela serait trop simple par contre tout ce qui est envisagé pour l’instant créera plus de problèmes d’intolérance et diminuera notre liberté d’expression. Alors, arrêtons de jouer à "plus Charlie que moi tu meurs" ou à "lui c’est pas un vrai Charlie", mais reprenons nos réflexions et nos échanges à rêver d’un monde plus libre, c’est sans doute la meilleure voie car comme disait Guy Bedos : "la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas".

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