Chronique dystopique : L'Intelligence Artificielle ne sera plus ce qu'elle était

Ceci est ma chronique retranscrite du dernier épisode de l’Apéro des Papas Manchots sur l’intelligence artificielle.

Février 2035, aujourd’hui je fête mon soixantième anniversaire, plus que dix ans avant la retraite. Je me réveille avec l’ambiance créée par Aldria. Aldria, c’est mon assistant ; avant on disait maison intelligente, enceinte connectée ou encore intelligence artificielle, mais Aldria, c’est tout ça à la fois. Je lui ai dit hier que je devais me lever pour aller travailler à la Data Factory à 9 h et elle a tout prévu : elle sait qu’il me faut 10 minutes pour émerger donc à 7h30 elle a fait progressivement monter la lumière avec un bruit de cascade (je lui avais dit la veille que j’en avais un peu marre du son des vagues et de la mer qu’elle me mettait habituellement). Elle sait que mon petit-déj doit être prêt à 8 h, le thé y est donc versé dans ma tasse indiquant sur son interface connectée une température parfaite de 65 °C (et 16 % de ma ration d’hydratation journalière optimale).

En fond sonore, dernières auto-informations : d’après l’analyse des données, aujourd’hui le risque de grippe est de 22 %, on aura une averse de 11h32 à 11h55, le trafic internet sera un peu surchargé vers 13 h et d’après mon profil, il m’est recommandé d’aller voir Toy Story 8 sorti cette semaine.

À 8h30, l’auto capsule se gare devant chez moi et Aldria, qui me l’avait commandée, m’annonce qu’il est l’heure que j’y aille. En entrant dans le véhicule, le dernier épisode de Studio404 se lance automatiquement, le sujet : la ville martienne transconnectée.

9 h, j’arrive à la Data Factory, j’ai eu la chance d’être sélectionné pour analyser des situations vidéo pour déterminer si un véhicule devrait s’arrêter, ralentir, redémarrer ou ne rien faire quand par exemple il y a un objet volant, des gens qui discutent devant un passage piéton ou encore une femme qui traverse à côté de son vélo en pleine nuit.

Tout à coup, sur l’écran, un véhicule arrive droit sur moi et me percute, je me réveille en sursaut. Ouf ! nous sommes bien en 2025, aujourd’hui, je n’ai que 50 ans et l’intelligence artificielle a fait fantasmer et cauchemarder beaucoup de monde, un peu comme la réalité virtuelle en 2017. Je mets l’eau à chauffer manuellement et je réfléchis à mon cauchemar.

Dès les années 1960-70, les 1ers ordinateurs avaient alimenté des tas de scénarios d’auteurs de science-fiction qui s’étaient traduits par de nombreux films marquants, s’il ne fallait en citer qu’un, ce serait probablement Skynet dans Terminator, la fameuse singularité, le moment où les machines prennent conscience et le pouvoir sur l’humain afin de promouvoir leur développement sans avoir besoin de lui et qu’elles peuvent donc détruire.

Et pourtant, au début des années 2000, cela s’était bien essoufflé. Ces années tant rêvées n’avaient pas vu l’avènement des robots et des voitures volantes pas plus que d’une quelconque intelligence artificielle. Tout était encore programmé à coup de boucles conditionnelles (if/then/else).

Mais cela a repris de la vigueur dans les années 2010 avec les simulations de réseaux de neurones, les programmes ont commencé à être capables d’apprendre par eux-mêmes et ne plus être basés uniquement sur des calculs ou des conditions définies.

Et on a entendu parler d’intelligence artificielle à tout bout de champ avec en ligne de mire un dépassement certain de celle de l’homme et pourquoi pas une conscience de la machine. Le seul problème, c’est que cette vague a été portée par des transhumanistes réduisant la conscience à des signaux électriques transférables sur disque dur et repris par des journalistes avides de disruption mais peu à-même d’opposer la moindre critique.

D’un côté des codeurs-startupeurs n’ayant aucune notion de philosophie ou de complexité du vivant, de l’autre un public ne sachant rien des dessous de l’informatique ; entre les deux, un écart béant laissant place à toutes les peurs et tous les fantasmes.

On croyait pouvoir tout faire faire à l’intelligence artificielle alors que leurs promoteurs n’avaient plus la moindre idée de la façon de cultiver, de cuisiner ou de se vêtir. Bref, notre soi-disant intelligence moderne était en train d’oublier le savoir-faire ancestral pour répondre aux besoins basiques de l’homme qu’il avait pourtant pratiqués durant des millénaires sans pour cela avoir besoin de lire, écrire ou compter.

Mais les premières fonctions cherchées pour l’IA, c’était quoi ? Comment vendre au mieux à des consommateurs en fonction de leurs centres d’intérêts, de leurs recherches sur internet, de leurs interactions sur les réseaux, de leurs déplacements traqués, etc. Bien sûr, après on a essayé d’appliquer cela à la médecine pour se donner meilleure conscience, à moins que ce ne soit pour mieux vendre des médicaments.

Mais maintenant que tout cela est terminé, rappelons-nous pourquoi le soufflet est retombé.

L’analyse des données a effectivement pu permettre un constat plus rapide des phénomènes et détecter des tendances dès leurs apparitions mais en rien les prévenir et encore moins les prévoir. Quant à en décider des actions à mener pour résoudre les problèmes, ce ne sont que les politiques qui sont restés à la barre.

Ensuite, l’apprentissage avec des données n’a pu se faire qu’à partir de celles existantes et reproduire exactement les schémas déjà réalisés. On a pu reproduire des musiques, des peintures, des écrits ressemblant à certains artistes comme s’ils en étaient les auteurs mais pas créer de nouveautés. Et quand bien même, la créativité d’une machine pourrait-elle être un jour apprécié par un être humain ? Le nirvana électronique n’est peut-être qu’une suite harmonieuse de 0 et de 1 inaccessible à notre entendement. Et comment pourrait rêver une machine dépourvue de sensations quand bien même on pourrait lui apprendre nos émotions et nos sentiments que nous ne maîtrisons pas nous-mêmes ?

Enfin, et parce que l’homme est homme, la machine ne peut qu’apprendre de son comportement qui n’est pas toujours très glorieux et vire très rapidement à la peur de la différence, à la haine raciale, à l’exclusion des minorités et au fanatisme religieux, ainsi, telle l’expérience du chat-bot de Microsoft sur Twitter, l’Intelligence Artificielle n’est finalement devenue que de la Connerie Naturelle.

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