Web 2.0 ? Pas encore pour tout le monde

Et si tout le monde n’était pas encore au web 2.0 ?

La question m’est venue à l’esprit lorsque ma femme m’a présenté le dernier outil qu’elle a trouvé pour présenter le travail de sa classe aux parents : scolnet. L’outil semble bien foutu et respectueux de la vie privé. On ne partage que ce que l’on souhaite et sur invitation (vos retours positifs ou négatifs sur l’outil sont les bienvenus). Mais je lui ai finalement dit qu’elle venait de découvrir comment fonctionne les réseaux sociaux dont elle n’a jamais voulu entendre parler (pour des raisons de vie privée).

Je ne m’y suis personnellement mis que très tardivement avec Diaspora* il y a deux ans et avec plus récemment un aperçu de gnusocial qui ressemble à un Twitter non limité à 140 caractères dont j’ai toujours du mal à comprendre l’intérêt. Je dois dire que ces outils me servent assez peu et que je limite très fortement les personnes ou sujets que je suis. Je (re)partage assez peu et ne commente pas énormément. Auparavant, j’ai plus ou moins participé à certains forums pour échanger sur les sujets qui me passionnaient. Quand aux blogs, je ne les fréquente que depuis quelques années et ne commente qu’à l’occasion et uniquement depuis que j’ai moi-même le mien.

Tout ça pour dire qu’internet est et reste un endroit de consommation pour la plupart des utilisateurs. Mes parents et beaux-parents parcourent certains forums et postent parfois des demandes d’aide mais ne fournissent jamais de contenu. Dans ma famille, les gens de ma génération ont parfois tenu un blog (voyage ou création), quelques-uns une page Facebook et la nouvelle génération n’en n’est pas encore à Youtuber mais consomment déjà bien les vidéos. Bref, comme prévu, Internet qui était le lieu de la création pour tous n’est finalement pour beaucoup qu’un Minitel ou une télé au contenu infini.

Je ne dis pas que c’est mal et je ne crois pas que la création de contenu ait diminuée, c’est la proportion qui a changé. Au début, tous ceux qui arrivaient sur internet créaient leurs pages perso puis leurs blogs. C’était les pionniers, la classe qui avait fait des études et voyait les potentiels de la création partagée. Puis le reste de la population a suivi. Mais finalement, tout le monde n’est pas capable de fournir du contenu de qualité, régulièrement, de se renouveler et d’évoluer en fonction de ses centres d’intérêt. Rien qu’écrire correctement et rapidement n’est pas courant (un petit tour sur le bon coin donne vite une idée du niveau de grammaire et d’orthographe de la population), ce n’est pas étonnant que des plates-formes où il suffit de poster des photos ou quelques mots aient du succès.

Sur ce sujet du web et du minitel 2.0, je repense régulièrement à la réflexion de Benjamin Bayart dans ses conférences sur l’évolution de l’internaute : d’abord consommateur, relais de trucs débiles puis lecteur, ensuite râleur ou troll ; quand on devient bon commentateur, on peut alors devenir auteur voire même animateur. Cet état des lieux date d’une dizaine d’années et internet n’était lui-même devenu grand public que depuis une dizaine d’années. On pourrait se dire que si ça fonctionnait comme ça, il n’y aurait plus que des auteurs et des créateurs, sauf que même les auteurs s’essoufflent et ne partagent plus leurs réflexions sur un blog mais se contentent d’échanges sans lendemain sur des plates-formes propriétaires.

Je pense que chacun a un certain potentiel d’avancement dans l’évolution de l’internaute telle que décrite ci-dessus. Et certains resteront à jamais à un niveau de consommation ou de troll. A tel point que les commentaires sont devenus sur certains sites d’un tel inintérêt ou d’une telle violence, qu’ils n’ont plus lieu d’être et sont cachés ou fermés purement et simplement. La liberté d’apporter son point de vue n’a aucunement grandit la capacité de la population à élever le débat.

Avec tous ça, je ne sais plus bien où je voulais en venir.
Ah oui ! Du fait que finalement peu de monde n’apporte vraiment sa pierre à la réflexion commune, on ne lit que la version de ceux qui expriment leurs pensée de façon construite et dans un but de faire avancer le débat. Et c’est cette version qui devient ce que l’on peut considérer comme la pensée dominante. Pourtant, je suis assez convaincu (et le souhaite) que beaucoup de lecteurs n’expriment pas leurs opinions dans les commentaires ou à travers un média ; peut-être parce qu’ils ne pensent pas avoir quelque chose à ajouter ou simplement veulent garder leur avis pour eux (par exemple, lorsque j’achète un produit, il m’arrive de lire les commentaires mais n’en laisse plus jamais). Ceux-là ne sont peut-être pas passé au web 2.0 mais se servent malgré tout d’internet pour s’informer et nourrir leur réflexion, et bien je ne leur jetterai jamais la pierre.

Il m’est arrivé plusieurs fois qu’un lecteur laisse un commentaire en disant qu’il ne le fait jamais, c’est déjà un merveilleux cadeau. Je dédie donc ce billet à tous les lecteurs qui me lisent en silence : continuez, le silence vaut parfois mieux que le bruit.

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