J'ai des choses à cacher, mais pas pour tous

Comme vous pouvez l’imaginer, je ne suis pas du tout favorable au genre de loi sur le renseignement qui vient de passer (en force et en écartant les arguments de ceux qui la refusait).

Pourtant, je trouve que la réaction de certains est un peu disproportionnée et verse un peu dans la paranoïa dont tente de nous sortir Jean-Marc Manhach ; même s’il doit en énerver certains, il permet de remettre les choses dans leur contexte et ne pas voir tout en noir et c’est ce que je vais aussi tenter de faire dans une série d’articles (parce que sinon ça prendrait trop de temps à écrire et à lire en une fois).

Je vais commencer en reprenant les arguments d’un précédant billet où je vous expliquait bien avant toute cette histoire que oui, comme tout le monde j’avais des choses à cacher. Mais je voudrais préciser ici que ces choses que je cache, elles le sont pour différentes personnes, que je ne cache pas les mêmes choses à ma femme, à mes parents, à mes enfants, à mes relations professionnelles et à vous.

Par exemple, ma vie intime (mon corps et ce que j’en fais) ne regarde que moi et ma partenaire. Pour éviter que cela soit rendu public, je commence par ne pas l’enregistrer et encore moins la mettre sur un quelconque réseau. Après, chacun fait ce qu’il veut mais il s’expose à un risque, surtout s’il ne savait pas que ses fichiers étaient automatiquement mis dans un cloud qui s’est fait hacké.

Une autre chose que je cache, c’est par exemple un cadeau ou une fête surprise à un proche. Si vous le saviez, ce ne serait pas grave puisque vous ne le connaissez pas mais s’il venait à l’apprendre parce que j’ai laissé l’historique du navigateur ou qu’un mail lui revienne en copie, l’effet de surprise serait raté.
Il y a aussi des choses que je cherche sur internet concernant ma santé ou des centres d’intérêt qui ne regardent que moi ; si vous ou l’état venait à le savoir, ce ne serait pas bien grave, je ne vous connais pas et je ne suis sans doute pas le seul à aimer les teckels morts mais pour ma femme et mes enfants, ça leur ferait tout drôle.
Tout ceci relève donc plus de l’hygiène numérique que de la protection de la vie privée, puisque c’est justement dans la vie privé qu’il ne faut pas que cela se sache.

La chose que l’on prend souvent le plus au sérieux, c’est son appartenance idéologique, sexuelle, religieuse et il y a de quoi puisque beaucoup ont été (et sont parfois encore au moins moralement) persécutés pour cela. Pour autant, elles sont rarement totalement secrètes puisque les membres de la communauté dont on fait partie nous connaissent et pourraient nous dévoiler. D’ailleurs, cette appartenance peut-être publique sur internet mais cachée aux proches ou ouvertement assumée auprès de notre famille mais non diffusée dans le cercle professionnel. Toutes les configurations sont possibles.
Et aux yeux du gouvernement, alors ?
Si cette appartenance n’est pas illégale, il n’y a pas de problème, j’ai le droit d’être de la religion KiSaitTout, d’avoir la tendance sexuelle à laquelle vous pensez, d’être encarté au parti SéNousLesMeilleurs et d’être actif dans l’association SauvonsLeMonde. Tant que je ne suis pas terroriste (c’est là qu’est la faille mais j’y reviendrai dans un autre billet) et disons que si je ne pose pas de bombes pour défendre ma religion, ma vision politique ou la planète, on n’aura rien à me reprocher.

Surtout, et là où je veux en venir, c’est que même sans la loi qui vient de passer, l’Etat est déjà relativement au courant de ce genre de choses : pour avoir des réductions d’impôts, je déclare les associations auxquelles je donne de l’argent, notre cursus scolaire et celui de nos enfants qui sont suivis de près par l’Etat en disent long sur notre rapport à la religion et même à la santé (refus des vaccins, régimes alimentaires particuliers, ...), si nous nous sommes sentis concernés par un combat, nous avons manifesté et si nous nous sommes investis, les RG nous ont fiché.

Bref, cette loi n’apprendra pas grand chose de plus à l’Etat sur nos appartenance, si elles étaient déjà suspectes, vous êtes déjà surveillés. Les déportations pour appartenance religieuse, philosophique ou politique n’ont pas attendu internet pour avoir lieu ; certes, elles seraient plus faciles aujourd’hui puisque vous êtes dans les listes informatiques de chacune des associations dont vous êtes membres, mais encore une fois, inutile de surveiller vos communications pour cela, il suffit d’aller au siège et de le demander de gré ou de force.

Une chose dont je n’ai pas parlé mais parce que cela est un peu hors du sujet. Lorsque je protège ma vie privée, c’est principalement pour ne pas divulguer des informations aux sociétés privées qui pourraient en faire commerce, les fuiter et surtout me faire des tas de propositions commerciales que je n’ai pas envie de recevoir.

Alors, qu’ai-je vraiment à cacher à l’Etat ?
En principe, si je ne fais rien d’illégal, pas grand chose qu’il ne sache déjà.
Par contre, il y a des activités qui doivent protéger leurs communications : justice, santé, journalisme, ... mais cela sort du thème de la vie privée et j’espère pour elles qu’elles se sont déjà intéressées au sujet car elles ne sont peut-être pas surveillées que par l’Etat.

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